Daphna Poznanski, députée de la 8e circonscription, revient en Grèce pour la première fois depuis son élection. Elle évoque ses rencontres avec les Français de Grèce, leurs craintes face à la crise, et ses combats pour leur venir en aide : certificat de vie, naturalisation, francophonie, aide à la scolarité...
Lepetitjournal.com : Quel a été votre programme pendant ces quelques jours à Athènes ?
Daphna Poznanski : Je passe deux jours en Grèce, je reviendrai en janvier, là je voulais recueillir le ressenti des Français de Grèce sur la situation économique et la situation sociale ici. Ces deux jours ont donc été consacrés à rencontrer des Français de Grèce. Ce matin au consulat j’ai eu 3h d’entretien avec les associatifs et cet après-midi est dédié à l’aspect économique, je vais rencontrer des entrepreneurs franco-helléniques et tous les acteurs économiques. Demain sera consacré à l’éducation et j’irai au Lycée Franco-hellénique. C’est important de rencontrer de vrais Français de l’étranger, parce qu’il y a une dissonance médiatique. Moi, je suis une femme de terrain.
Quel a été votre ressenti suite à ces rencontres ?
A mon arrivée, j’ai été choquée par cette atonie dans les rues, les commerces fermés… J’ai beaucoup parlé avec la présidente de l’association Entraide que je soutiens, car, je peux le dire en toute transparence, j’ai dédié la plus grande partie de ma réserve parlementaire aux Français d’Athènes qui sont malheureusement ceux qui en ont le plus besoin et qui sont dans une situation de réelle précarité. J’aide donc l’association Entraide, j’aide le lycée Eugène Delacroix et j’aide l’école française via ma réserve parlementaire. J’ai également rencontré les représentants des associations ADFE et UFE. C’était un bon panel qui m'a permis d’écouter chacun et chaque petite musique. Je connais la situation et c’est vrai que quand on la touche du doigt, c’est encore plus prenant. En tant que parlementaire, j’essaye de trouver des idées novatrices pour aider. Peut-être se tourner vers les associations grecques en France ? Je vais en parler quand je rentrerai et on essayera de faire ce qu’on peut. Il n’existe pas de baguette magique capable de peindre tout en rose… Mais il faut être là.
Vous avez fait passer la circulaire sur le certificat de vie, de quoi s’agit-il ? Quels ont été vos autres champs de bataille ?
Je suis la seule députée des Français de l’Etranger à avoir réussi à faire voter des amendements qui ont trait au certificat de vie. On demande aux seniors de fournir, tous les trois mois un certificat de vie. Mais voilà, s’ils sont des seniors, ils peuvent être malades, handicapés, parfois la poste ne fonctionne pas bien… Il existe des quantités de raisons qui font que le document n’arrive pas forcément et ce qu’il se passe, c’est qu’on leur coupe la pension. Ces personnes là se retrouvent alors dans des situations d’extrême précarité. Après un combat de 4 mois, j’ai enfin réussi à faire comprendre ce problème en France. J’avais promis aussi dans ma profession de foi de m’occuper du statut des veuves des anciens combattants résidant à l’étranger. C’était la première fois qu’on abordait ce sujet dans l’hémicycle et qu’on entendait parler de cette catégorie de personnes. Là, on a manqué de données. J’ai demandé à ce qu’on dépose au plus tard en juin 2013 un rapport sur la condition de ces personnes. C’est très important pour nous puisqu’à partir de ce rapport on pourra établir quelles sont les priorités. J’aimerais également aider les PME françaises en Grèce, c’est un projet que nous voulons inscrire à la BPI.
Vous êtes aussi intervenue à propos de la procédure de naturalisation, qu’est-ce qui va changer ?
Effectivement, c’est un problème que connaissent les Français de l’étranger, par rapport à leur conjoint qui parfois parlent aussi bien que nous le français, et qui veulent obtenir la nationalité française. On leur demande de remplir des documents ahurissants mais surtout on leur demandait de passer un examen, un QCM sur la culture française. Ce QCM, des journalistes s’en sont emparés en janvier dernier et l’ont fait passer à des Français de France. Ces derniers n’ont pas su répondre, alors j’ai trouvé complètement ridicule qu’on demande aux conjoints de Français de l’Etranger de répondre à un questionnaire auquel les Français de France ne pouvaient pas répondre. J’ai donc demandé l’abrogation de cette procédure. Cette abrogation va se faire par amélioration, par circulaires successives. J’ai aussi obtenu la suppression de ce QCM qui était pour moi un non-sens absolu. Mais il faut encore travailler sur la naturalisation. Il y a encore des choses à faire.
Vous disiez regretter le fait que la francophonie soit délaissée, qu’avez-vous engagé pour y remédier ?
Les Français et les francophones à l’étranger sont parfois très talentueux, très compétents mais ils ne sont pas connus. Ils n’ont pas accès aux concours qui pourraient les faire connaitre, aux bourses… Ils manquent de visibilité et ont ainsi moins d’opportunité de travail. J’ai proposé à la ministre de créer un portail qui serait dédié à tous les créateurs français ou francophone à l’étranger. On a obtenu une ligne budgétaire pour ce projet et on travaille maintenant pour construire ce projet qui permettrait aux artistes de se constituer un press book à l’international. Moi je crois à la francophonie comme vecteur de combat, à la francophonie en marche. A travers ce projet j’espère faire bouger la francophonie.
Les Français d’Athènes ont souffert de la suppression de la PEC, pouvez-vous nous en dire plus sur cette suppression qui est survenue du jour au lendemain ?
Il faut savoir qu’en décembre 2011, en tant que vice-présidente de l’assemblée des Français de l’étranger, j’avais invité le directeur des budgets du ministère des Affaires étrangères. Dans les documents qu’il avait devant lui, je me suis aperçue qu’il y avait marqué "- 23 millions d’euros". J’ai voulu qu’il précise ce point devant mes collègues. Il nous a annoncé effectivement qu’il y avait un trou, un trou énorme dans le budget. Quel que soit le résultat des élections présidentielles, on aurait été obligé d’arrêter cette aide. Il n’y avait tout simplement plus d’argent.
Comptez-vous la rétablir d’une manière ou d’une autre ?
Non, c’est impossible ! D’autant que c’était un système profondément injuste. Tout l’argent allait à 7% d’élèves. Quand la PEC a été créée, les institutions internationales et les entreprises qui, normalement, payaient la scolarité des enfants de leurs employés qu’ils envoyaient à l’international, se sont rétractées et ont arrêté de payer. Il n’y avait plus que l’Etat français qui payait. De plus, il n’y avait aucune concordance avec la situation sociale des familles de l'élève. Toute l’idée a été de redéployer ce qui était destiné à la PEC vers les bourses. Pour que toutes les familles concernées puissent demander une bourse. Les directeurs des écoles ont tout de suite avertis les foyers que la PEC allait être supprimée et qu’ils pouvaient faire un dossier de bourse. Ce n’était pas une surprise, les Français ont été avertis. Ce qui ont fait les demandes (à part s’ils étaient très en delà de la limite) ont reçu leur bourse. Il fallait faire la démarche en effet, mais il n’y a rien d’automatique en France, pour ce genre de chose, même la retraite, si vous ne la demandez pas, on ne vous la donne pas. Je le répète et j’insiste : toutes les familles impactées peuvent faire une demande de bourse au consulat.
Il y a eu un taux d’abstention record au second tour des élections, comment l’avez-vous perçue et cela affecte-t-il votre mandat ?
Cette élection était la première de son genre, une création ex-nihilo. Les Français de l’étranger ne comprenaient pas quel allait être le rôle d’un député. Souvent ils se sont dit "puisqu’on a des conseillers, pourquoi avoir des députés ?". En fait en tant que conseiller, nous n’avions qu’une autorité consultative auprès des sénateurs, et encore les sénateurs n’ont pas le dernier mot. En réalité, tous nos problèmes, ceux des Français de l’étranger, ne parvenaient jamais à la surface. Par rapport à l’abstention, il faut aussi voir une chose : en France, pratiquement tous les 500 mètres vous avez une école pour voter et, pourtant, quel est le taux d’abstention en France ? Beaucoup trop. A l’étranger on doit parfois faire 350km aller-retour pour aller voter… mais qui le ferait en métropole ? J’aimerais savoir. Je crois qu’il faut aller de plus en plus vers le vote électronique. Ce qui est aussi important, c’est ce qu’on va faire, nous élus. Parce que si cette élection consiste à envoyer un député au Parlement et ne plus entendre parler de lui ensuite pendant 5 ans, je comprends qu’aux prochaines élections le taux d’abstention soit encore pire. Ce n’est pas du tout comme ça que je considère ma mission. Ma mission c’est d’abord d’expliquer à l’Assemblée qui nous sommes : qui je représente et quels sont nos problèmes. Ce n’est pas évident, je le fais tous les jours, du matin au soir. Même mes propres camarades socialistes ont du mal à percevoir cette réalité.
Propos recueillis par Lydia Belmekki (www.lepetitjournal.com/athenes.html) Jeudi 13 décembre 2012
A noter ! C'est la première fois, grâce à la réforme constitutionnelle de 2008, que les Français de l’étranger bénéficient d’un député. La 8e circonscription regroupe l'Italie, la Grèce, la Turquie, Chypre et Israël. |
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